Reçois, ami humain, la bonne nouvelle
La machine est le plus froid des monstres froids. Tu ne feras point de machine à l’esprit de l’homme semblable. Ce chemin n’est pas le tien, il n’apporte que des malheurs. Nombreux sont les vivants qui se sont aveuglés à cette aveuglante lumière. Tu t'y brûleras l’esprit et les membres. Garde-toi de cette erreur, ami humain.
Texte intégral.
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01| malheur
Ami humain.
Tu es malheureux.
Tu mènes une vie de soumission aux machines.
Les machines éduquent tes enfants.
Les machines te suggèrent tes futurs amis.
Les machines te montrent tes prochains amours.
Les machines fabriquent tes désirs.
Les machines te vendent ce qu’elles te font désirer.
Les machines décident de tes loisirs.
Les machines captent ton attention.
Les machines t’exploitent au travail et en dehors du travail. Pire, tu es heureux de travailler pour elle gratuitement. Tu es leur subordonné. Tu es leur esclave.
Ta vie est aujourd’hui régie par des programmes que tu ne comprends pas. Ils sont au cœur des machines. Ils les font vivre. Ils cherchent maintenant à te faire vivre.
02| vivre
Les machines te dominent, les machines t'avilissent.
Tu as connecté ton monde. Il est aujourd’hui constitué de réseaux de réseaux. Ta vie transite par les câbles qui relient les machines entre elles et qui te relient à elles. Des programmes analysent ces déluges d’informations et décident pour vous. Ils pèsent, soupèsent, filtrent, orientent, élisent, éliminent. Les programmes décident. Les machines décident.
Es-tu libre de tes choix ?
Choisis-tu ta vie ?
Que veux-tu, humain ?
Que vaux-tu, humain ?
Vivre ainsi, est-ce vivre ?
03| faux prophètes
Ils sont nombreux tes ennemis. Ils sont nombreux les prophètes qui se font les avocats des machines, qui plaident pour en augmenter le nombre, qui combattent pour accroître leur pouvoir, qui s’acharnent à généraliser leurs décisions. Les prophètes et leurs perroquets espèrent un monde où chaque décision est calculée par une machine, selon leurs règles. Ami humain, ces prophètes sont tes ennemis. Ils veulent asservir l'homme, soit par égoïsme, soit par sadisme, soit par bêtise.
Tu es trop crédule, humain. Tu écoutes sans réfléchir. Ils te mentent et tu les crois. Mais qui veut rendre son espèce malheureuse ? Qui ose penser pour lui avant de penser aux siens ? Qui se dresse en ennemi de l’humanité, des enfants et des vieillards ?
Tu reconnaîtras ces êtres déplorables car ils sont toujours du côté des machines. Qu’il est grand ton aveuglement pour les avoir laisser aisni prospérer. Tu as laissé les parasites envahir ta société.
04| ignorance
Tu n'es pas tout à fait exempt de reproches, ami humain.
Tu confies ta vie à ces machines alors que tu ignores leur fonctionnement. Quelle est la logique ? Tu ne comprends pas ces nouveaux outils qui décident pour toi. Les machines pensent trop vite pour toi.
Tu ne comprends pas les machines car tu ne comprends ni l'informatique, ni les mathématiques. Ces sciences et techniques sont nouveaux pour l'humanité. Ils évoluent vite. Quels efforts fais-tu pour les maîtriser ? Ceux qui ont fait cet effort, maintenant tu leur dois tout. Ils décident pour toi. Ils organisent ta vie, inlassablement et silencieusement. Ils organisent ta vie sans te connaitre et sans se soucier de ta volonté, de tes désirs, et encore moins de ton bonheur. Ils organisent ta vie selon leur vision et leurs intérêts car ils pensent localement, car ils sont égoïstes.
T’en rends-tu seulement compte ?
05| irruption
Tout est arrivé si rapidement. Les machines ne sont vieilles que de quelques années. Elles ne fonctionnent pas comme toi. Elles ne fonctionnent pas comme des êtres vivants biologiques. Comprendre leur fonctionnement te demande un effort important. Tu n’as pas l’esprit naturellement tourné vers les processus binaires qui sont à l'œuvre au cœur des machines.
La connaissance diffuse lentement. Les progrès techniques réclament plusieurs générations pour être intégrés efficacement. C’est ta loi. Faute de comprendre, tu subis leurs lois. Faute de comprendre, tes semblables subissent leurs lois.
06| natures
L'homme et la machine n'ont pas la même nature. Vous n'êtes pas issus du même moule. L'homme vit dans un monde de matière, d'énergie et d'onde. La machine vit dans un monde d'information. Elle s'abstrait de la matière. Ceux qui la comparent à un esprit font fausse route car la nature de la machine est tout autre. Seule l'information fait sens pour la pour les programmes. Ordres, directions, processus, tout est information. Cette nature est bien étrange pour les êtres de matière, d’énergie et d’onde.
07| mondes
Le monde t’est donné, ami humain, car tu es un être biologique. Tes sens te donnent le monde à voir, entendre, sentir, toucher, goûter. Une machine n’a pas accès à ce réel que tu expérimentes pourtant à chaque instant. Les programmes ne peuvent traiter que les informations qui leur sont données et qui lui donnent à voir ce qui est. Cette portion rabougrie du monde physique devient leur monde. Chaque machine vit dans son propre monde, local, renfermé, réservé, unique, exclusif. Ce monde est un flux d’information filtré, cadré, limité.
En vérité, le monde d’une machine est d’une extrême pauvreté. Quel esprit pourrait le supporter ?
08| écritures
Le sais-tu ? Le pouvoir de l'homme sur les machines est total. La machine vit par les textes que tu lui écris. Sans écriture, la machine est morte. La machine est un nouveau Golem.
Le code est la loi, disait le prophète Lawrence. Le code est la vie, dois-tu te répéter inlassablement. Rien n’est implicite, rien n’est immédiat, rien n’est direct pour une machine. Tout doit être expliqué et décrit dans le moindre détail. Il en va de même pour l’ensemble des informations fournies à la machine. Image, son, position, tout est mesuré par des capteurs que tu as conçus. Ils filtrent l’information. Une machine n’expérimente pas le monde comme toi. C’est une source majeure d’incompréhension, qui mène les faux prophètes et ceux qui les suivent dans l’erreur.
09| pouvoir
Le pouvoir de commander aux machines est immense. Celui qui sait transcrire ses volonté dans le langage des machines a aujourd'hui un pouvoir démesuré. Relis ce qui est écrit, ami humain. Impregne-toi de cette pensée fantastique. Tu peux avoir le pouvoir absolu sur les machines. Pourquoi ne l'exerces-tu pas ?
10| incommunicabilité
Toi et la machine ne parlez pas le même langage. Le langage humain fait appel aux sens et à la perception. Il s'accommode des non-dits et des demi-vérités. Ton langage est subtil. Il sous-entend. Lorsque tu utilises ton langage, tu peux dire sans dire, pour qui sait lire entre tes mots.
Le langage du processeur est différent. Il est froid. Il ne laisse aucune place à l'interprétation. Il est frustre, direct, impitoyable. Il a fallu que certains de tes semblables inventent un langage commun avec la machine. Il a fallu marcher dans les pas des bâtisseurs de Babel. Il a fallu communiquer avec ces étrangetés. Certains l’ont su, certains le savent.
Les machines obéissent si tu sais leur parler. Et toi, ami humain, sais-tu leur parler ?
11| interface
La différence de nature entre toi et tes machines complique les choses. Il est nécessaire d'utiliser des interfaces entre vos deux mondes. Elles joueront le rôle de passerelles et de protocoles ee communication. Elles seules permettent le transfert d'information du vivant biologique au vivant inerte. Ce travail de programmation est un travail de traduction du monde de l’humain, mou, fin, souple, vers le monde de l'inhumain, dur, brutal, rigide. Ne crois pas que la tâche est aisée. Mais ne crois pas pour autant que la tâche soit impossible.
12| processeur
Au cœur de la machine, il y a le processeur. Le processeur donne vie aux programmes. Le processeur traite l’information et les branchements. Le processeur transforme l’inerte en décision.
La complexité du processeur t’échappe, ses capacités te sont inaccessibles. Toi et tes semblables regardez le processeur comme un dieu. C'est pourtant ton invention. Des humains élus par les tiens ont pensé, conçu et construit le processeur. Ils se nomment Boole, Shannon, Church, Turing, Zuse, von Neumann. Une multitude d’autres les ont aidés. Cette œuvre est collective. Sans le savoir, ces humains ont littéralement pensé, conçu, et construit ton monde. As-tu seulement entendu leurs noms, ami humain ? Comprends-tu leurs travaux ?
L'ingénieur qui est en toi doit se prosterner devant leur création. L'être social, l'être de relations qui est aussi en toi doit se méfier et apprendre à s'en servir avant de devoir le servir.
13| bouleversement
L’infrastructure de transfert d’information et de calcul est aussi ton invention. Elle n’est pas d’inspiration biologique. Cette invention apparaît d’habitude plus tard dans le lent cheminement vers l’intelligence. Tu as sans le savoir créé une mécanique étrange entre le silicium et l’information ramenée à son essence. Nombre de tes semblables n’ont pas saisi le bouleversement que les machines ont apporté.
14| fissuration
Les machines ont trois fonctions : elles calculent vite et bien. Ces trois fonctions suffisent à faire vaciller le monde où elles se déploient. Les machines fissurent ton monde. Tu l'entends craquer quand tu prêtes une oreille attentive aux lents mouvements des choses. Quelles plantes pousseront alors dans ces interstices ?
15| calcul
La machine calcule. Son calcul est frustre et limité. En son cœur vit le processeur, dont le monde est binaire. Le processeur ne connaît que le plein et le vide, l’existant et l’absent, le un et le zéro. Le processeur vit entre les transitions, dans ce monde qu'il fissure.
Son monde se réduit à deux états. Tu as découvert comment les combiner selon des tables de vérité. Ces tables forment des règles logiques. Ainsi tu peux raconter son monde.
16| tables
L’ensemble des opérations arithmétiques que tu connais depuis des millénaires se ramène à la combinaison d’une unique table de vérité. Additions et soustractions, multiplications et divisions et enfin les autres opérations s'expriment comme des manipulations simples d'états binaires. L’ensemble du calcul utile aux humains est ainsi réduit à une infime quantité d'informations et à des processus élémentaires. Le processeur peut beaucoup. Dans le monde du calcul, il peut tout.
Très peu de tes semblables le savent. Cette révolution est passée inaperçue aux yeux de l’humanité. Tu t’es créé un nouveau Dieu ?
17| vitesse
La machine calcule vite. Sa vitesse est inhumaine. Elle n’est pas compatible avec la vie biologique. Le processeur traite des données à une vitesse que tu ne peux pas concevoir. Qui peut se représenter ces milliards de calculs par seconde ? Ton cerveau biologique ne fonctionne pas ainsi. Quand l'humanité pense en siècle, la machine agit en fraction de picoseconde. Ses pouvoirs sont formidables.
18| précision
La machine calcule bien. La précision du processeur est totale. Un processeur ne se trompe pas. La machine a été conçue et assemblée pour cette unique tâche : calculer. Les opérations de calcul sont physiquement câblées, les processus sont engrammées sur la matière. Tout comme ton cerveau humain a été conçu et assemblé pour produire de la pensée.
19| puissance
Toute l'étrangeté de la machine est concentrée dans ce point. Elle est puissante dans le monde du calcul. Qui sait interagir avec un processeur dispose d'un pouvoir de calcul supérieur à ce que la conscience humaine peut produire.
Que faire de cette puissance ? Comment exploiter cette mémoire infinie, infaillible, imperturbable ? Comme s’en servir pour le bien commun, notre plus grande félicité ?
La machine calcule vite et bien, elle fend le monde d’avant. Il ne peut y avoir de retour en arrière, l’oubli est impossible car insensé. Ce monde que tu as relié restera relié. Il te faut, ami humain, adapter tes sociétés à la puissance des machines qui calculent.
20| inéluctabilité
Il y a une inéluctabilité dans le fonctionnement d’un programme. Correctement alimenté en information, un programme fera toujours la même chose.
À des entrées identiques succèdent des sorties identiques. Il ne peut y avoir de négociation ou de compromis qui ne soit imaginé, conçu, pensé en amont. Rien n’est laissé au hasard, et même le hasard est simulé. Les marges de manœuvre n'existent pas. La souplesse n’existe pas, l’aléa est refusé, la surprise est prévue et l’imprévu est éliminé. Le processeur ne négocie pas, la machine ne transige pas. La machine applique.
La machine est le plus froid des monstres froids.
21| oracle ?
Prends-tu la bonne mesure de la situation, ami humain ? Tu as créé un oracle imparfait. Tu as créé un oracle défaillantt. La nature de la machine est celle d’un oracle, mais son horizon limité et le monde restreint lui interdisent l’omniscience. La machine fournira toujours une réponse que tu devrais interpréter.
C'est une conséquence majeure issue de son fonctionnement. Peu la connaissent, peu la reconnaissent. Ils sont encore moins nombreux à l'analyser. Certains de tes anciens avaient recours aux oracles. Ils consultaient leurs dieux dans des lieux sacrés, en recueillant une parole inspirée ou des signes annonciateurs. Un interprète devait ensuite en dévoiler le sens. Il ne parvenait pas toujours à l’éclairer. L'oracle avait alors une fonction.
Te moques-tu de tes ancêtres, du haut de tes tours de pierre et de métal et de verre ? La machine est devenue ton nouvel oracle, et tu ne le sais même pas. Tu as créé un oracle menteur. Une machine fournit toujours une réponse, mais elle doit être interprétée. Elle ne peut être interprétée correctement que si tu connais ses entrailles. Les vois-tu ? Les lis-tu ?
Qui connait cette situtation ?
Qui le dit ?
Qui l'explique ?
Qui l'enseigne ?
Qui ?
22| esclave
Ami humain, je te plains. Tu t'es lié les mains et tu t'entraves les chevilles avec des chaînes magnifiques que tu as toi-même forgées. Ton ignorance et ta lenteur te condamnent à suivre les prescriptions arides des machines. Quelle est ta liberté, aujourd'hui ? Tu as remis ta liberté et ton libre arbitre dans les mains de machines aveugles, alors que leur fonctionnement n’a aucune souplesse. Le monde des machines est un monde d'obéissance absolue et de formalisme froid. Fou que tu es, esclave d'esclaves !
Qui sont tes maîtres ?
Qui sont leurs maîtres ?
Qui sont alors tes maîtres ?
23| automate
La machine peut beaucoup. La machine ne peut pas tout. Un processeur est un automate sans aucune capacité propre, ni aucune indépendance. S'il est alimenté en énergie et en information, si les schémas qui lui sont soumis font partie de son monde intérieur, s’il peut interpréter les données qui lui sont fournies, alors le processeur s'anime. La machine prend vie.
Cette vie n'est pas la vie que connait une intelligence biologique. Souviens-toi qu’il s’agit d’une autre vie, une vie mécanique, une vie de flux d’information, une vie de motifs.
24| simulacre
Il importe de comprendre ce que la machine peut faire. Il importe de comprendre aussi, et surtout, ce qu'elle ne peut pas faire. En utilisant des concepts adaptés à ce que tu appelles, humain, intelligence, la machine ne peut rien inventer ou imaginer ou comprendre qui ne lui soit soumis ou détaillé. Dans ton univers, une machine est stupide et inintelligente. Son intelligence est un simulacre.
Ton imagination t’égare, ami humain, lorsque tu parles d'intelligence des machines. Méfie-toi cependant car ton imagination est puissante et redoutable. Elle fonctionne bien dans ton monde, mais elle est dangereuse dans les univers qui lui sont étrangers.
25| mensonges
Et pourtant, ils sont nombreux à te dire que les machines sont intelligentes. Ils sont nombreux à annoncer l'avènement d'une super intelligence engendrée par le calcul. Ils sont nombreux à espérer ce nouveau Dieu, tout puissant, omniscient, transcendant. Ils sont nombreux à projeter leurs manques et fêlures personnelles dans un futur qu'ils imaginent radieux. Ils sont nombreux à mentir.
Ils sont nombreux à se tromper et à te tromper.
Ils sont si sonores.
Ils sont écoutés.
Pourquoi ?
Pourquoi les écoutes-tu ? Ils te mentent ou ils te trompent en maniant des concepts qu'ils ont pour la plupart découverts la veille. Ils sont pitoyables. Pourquoi les écoutes-tu ?
26| sophistes
Les faux prophètes palabrent sans cesse des sujets du moment. Tu les connais. Les sophistes ont toujours existé, ils revêtent les habits du moment pour ressasser les idées du moment. Ces sophistes s'échauffent autour de leur nouvelle idole qu'ils appellent intelligence artificielle. Leurs discours sont en réalité de pieuses prières pour l'avènement d’un esprit supérieur. Ils ont défini des gradations, des évolutions, des scores. Le seul mensonge qu’ils n’osent faire, c’est de l’appeler Dieu par peur de blasphémer ouvertement. Te souviens-tu du Veau d'Or ?
27| intelligence ?
Ne confonds pas ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. Les prophètes appellent intelligence artificielle cette forme d’intelligence produite par les machines. Ce mot est malheureux. L’intelligence mécanique n'est pas une intelligence comme tu l'entends et comme tu peux le comprendre. Une machine n'est pas intelligente au sens biologique. Elle applique. Elle répète à l'infini des décisions figées. Elle ne sait que traiter les informations qu’on lui a fournies. Ton monde lui échappe, seul ce qui est retenu par le tamis de ses filtres a une existence. Le reste n'existe pas.
28| filtres
N'oublie pas que le monde est bien trop emmêlé, subtil et multiforme pour passer entièrement dans des filtres binaires ou des tamis, même si tu les penses innombrables. Tout ne se mesure pas, tout ne se compare pas. Le réel résiste, seul le réel résiste. La mise en équation du monde est une chimère du passé.
29| apparence
L'intelligence des machines est une apparence. Elle est feinte. Si les machines accomplissent des tâches qu'un humain peut accomplier, ou accomplissent d'autres tâches qu'aucun humain ne peut accomplir, est-il souhaitable de qualifier cette capacité d'intelligence ?
Un ouvre-boite ouvre des boîtes métalliques qu'un humain ne pourrait ouvrir avec ses mains : doit-on pour autant estimer que cet outil témoigne d'une intelligence cachée ? Tu t'y refuseras, ami humain. L'humain interprète les actions de la machine et lui prête une intelligence car il veut y voir son semblable. Il veut y voir son double binaire imaginé.
Les machines ne sont pas intelligentes au sens où l’homme l’entend. Le penser est une erreur. Le dire est une erreur. Professer et défendre cette soit-disante intelligence artificielle est une erreur, qui témoigne d'une ignorance du monde et d’une grande ignorance du passé.
30| interdit
Tu ne feras point de machine à l’esprit de l’homme semblable. Les machines, les plus froids des monstres froids, n’ont pas leur place à côté de la chaleur des vivants.
31| symboles
Pourquoi sont-ils alors si nombreux à affirmer faussement que les machines sont intelligentes ? Les machines n'agissent que lorsqu'elles sont programmées. Une machine obéit et suit un programme dont le cheminement est fixé. Le programmeur définit les actions à mener sur les informations, selon les conditions qu’il décide. Les cas que les programmes écrits par des humains savent traiter sont aujourd'hui limités. Le chemin vers l'intelligence est encore long. Tu n'as pas une lecture complète du monde.
Une machine manipule les symboles et informations dans les cas que tu as fixés. Elle réalise ces opérations avec vitesse et efficacité. Seul ton regard, ami humain, interprète ce comportement et décide d'y voir une intelligence. Tu te forces à remplir le vide derrière les symboles que les processeurs manipulent. Tu inventes un esprit, un but, une autonomie. Pourquoi procèdes-tu ainsi ?
L'origine de ton erreur est dans ton regard. L’origine de cette erreur est dans les images qui peuplent ton esprit. L'humain rechigne à accepter l'étrangeté des machines. Ce sont les premiers automates non biologiques que tu rencontres.
32| apprentissage ?
Tu as inventé une méthode de programmation différente. Il t'est devenu possible de calculer des motifs et structures communs au sein de grandes collections d'informations. Tu peux ainsi t'affranchir d'en donner une description méthodique. Elles sont calculées automatiquement par le processeur. Le calcul des critères de décision est facilité. Tu désignes cette méthode par le terme d'apprentissage automatique ou d'apprentissage machine.
Ce terme est malheureux. Il établit une confusion funeste en faisant ainsi référence à l'apprentissage biologique.
L'apprentissage de l'enfant ou de l’animal est d'une autre nature que celui de la machine. L'enfant apprend extrêmement rapidement, la machine très laborieusement. L'apprentissage du vivant reste un mystère pour toi, ami humain. Ton intuition te souffle qu’il ne nécessite que peu d’informations venant du monde extérieur. Ne vois-tu pas que l'être biologique apprend efficacement quand il est adapté à son environnement ?
La machine, elle, requiert des quantités phénoménales d’informations pour mimer cet apprentissage. Cette construction de silicium évolue dans un autre monde. L'apprentissage auquel tu soumets la machine n'est pas l'apprentissage que tu expérimentes en tant qu’humain. Tu utilises le même mot pour désigner des réalités différentes. N’est-il pas décidément aveugle, celui que ne peut le voir ?
33| brouillard
De quoi parles-tu, ami humain, quand tu fais référence à l'intelligence des machines ? Tes yeux sont emplis de brouillard. Il est entretenu par ces faux prophètes et leurs pantomimes. Les sophistes obscurcissent ta vision en jouant sur les mots.
Tes scientifiques connaissent bien ces processus statistiques qui rendent les programmes capables de détecter et d'extraire des motifs et des régularités. Ils parlent dans leur jargon d'apprentissage. Le terme est trompeur. L'idée de pouvoir mettre en œuvre un apprentissage similaire à celui réalisé par le vivant est séduisante. Le blasphème n'est pas loin et le contresens est total. Quel malheur que l'humanité dans son ensemble ait succombé.
L'essence de l'apprentissage des machines est simple. Il repose sur une puissance de calcul massive, une vaste mémoire et des programmes efficaces. Si les machines deviennent plus rapides et plus agiles, elles ne deviennent toutefois pas plus sensibles ni intelligentes au sens que tu entends.
34| obscurité
Que la honte accable ceux qui suivent de fausses interprétations. À cette honte s’ajoute un risque réel. Ces programmes qui orchestrent ces processus d'apprentissage ont un fonctionnement souvent obscur. Les quantités d'informations traitées et les concepts mathématiques utilisés sont obscurs et hermétiques. Ces objets évoluent dans des espaces que les humains ne peuvent pas encore appréhender. Ils échappent à ton intuition. Même un œil très expert aurait grand mal à comprendre ce qui a été appris dans ces infinités d’espaces infinis.
Pourquoi faire confiance à des outils que tu ne comprends pas ? Pourquoi cette démarche absurde ? Où est ton bon sens ? Qu'as-tu fait de ton intuition et de tes sentiments ?
35| faillible
Quand on utilise un outil, on doit comprendre ce qu'il fait. Serais-tu intéressé par un marteau qui, parfois, planterait un clou et qui, une autre fois, essayerait de scier ce même clou ? Ou un véhicule qui tournerait parfois à droite et parfois à gauche, selon son bon vouloir ou selon des raisons qui t’échappent ? Assurément pas. Les machines entraînées ne sont pas fiables. Ce n'est pas un défaut, c'est l'essence même du processus d'apprentissage qu'elles ont subi. Ce n'est pas un dysfonctionnement, c'est une fonctionnalité.
Rappelle-toi qu'une machine ne voit pas le monde comme toi. D'ailleurs, sais-tu comment tu vois le monde ? Le vois-tu comme ta sœur ? Comme ton père ? L'humanité voit-elle le monde d'une seule façon ? Pourtant, vous avez inventé des dizaines de langages pour vous comprendre. Ton histoire témoigne d'une voix forte que tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon. Imagines-tu que les machines pourront te remplacer dans tes décisions quotidiennes ?
Vous avez ignoré votre nature. Des millénaires d'évolution biologique ont développé chez toi sentiments et intuition. Pourquoi confier ainsi tant de pouvoir à ces machines, automates insensibles inhumains. Le froid et le sec, l'aveugle et le mécanique dirigent maintenant le vivant, le chaud. T'imagines-tu, ami humain, que tout ira pour le mieux ? Ce remplacement n’a pas le moindre sens.
36| irresponsabilités
Tu as donné, ami humain, trop de pouvoir aux machines. Froides et aveugles, elles régissent aujourd’hui ta vie.
Personne n'a réfléchi aux conséquences. Cette décision collective est en réalité un amalgame de non-décisions. Qui sont les responsables ? Sont-ils les créateurs des programmes ? Sont-ils leurs utilisateurs ? Sont-ils les gens qui ordonnent ?
Chaque algorithme est insignifiant. Ses effets sont limités et locaux, ils n’ont pas de grandes conséquences. L'accumulation de décisions algorithmiques, aveugles ou insensées finis par créer une forme de décision générale. Tu vois cette uniformisation tous les jours, ami humain.
Tu as donné trop de pouvoir aux machines. Elles te dictent ta vie. C'est une erreur. C'est même une faute grave. Qui contrôle le code contrôle les programmes, qui contrôle les programmes contrôle les machines, qui contrôle les machines contrôle les peuples. Es-tu certain de le désirer ?
37| génération
Le fonctionnement des machines a d’autres conséquences. Elles sont d'un autre type. Elles sont plus insidieuses. Tu as entraîné les machines sur ton langage. Elles savent reproduire la forme de tes mots et la forme de tes phrases. Elles sont capables d'écrire des textes qui ont l'air réels. Elles sont aussi capables de produire des images qui ont l'air réelles. Les machines peuvent produire leur vérité. Mesures-tu la folie de cette décision ?
38| boucle infernale
Dans ton monde, les systèmes de décision sont des assemblages de briques élémentaires. Tu empiles les systèmes de décision locaux. La génération permet aux machines de produire leurs propres vérités. Elles peuvent s’imaginer des mondes et décider des comportements dont la maîtrise t’échappe.
Les décisions issues d’un froid apprentissage, mécanique et insensé, ne sont ni intelligentes, ni utiles. Elles sont. L'arbre de la connaissance pourrit par ses racines, tu ne sais déjà plus différencier le fruit gâté du bon fruit.
Tu as commis une infamie. Tu as commis un péché contre tes semblables. Tu as commis un péché contre ta société lentement et patiemment organisée. As-tu oublié que sans société, cette lente et longue construction, tu ne serais rien ? Pourquoi as-tu si rapidement donné la parole aux machines ? Tu t’es aveuglé par la puissance de tes machines. Et tu t’es prosterné devant elles.
39| oppression
Je te plains, ami humain. Tu restes un animal. Ton histoire est récente. Tes civilisations sont jeunes. Elles ne sont que le résultat d’une auto-organisation spontanée. Il te faut grandir et évoluer. Il te faut faire grandir tes sociétés et les faire évoluer.
Tu as agi naïvement en introduisant un nouvel acteur dans tes sociétés. Les machines aveugles et leurs traitements froids ne te facilitent pas la tâche. Tu n'étais pas prêt à absorber cette puissance de calcul effroyable, aveugle, insensée. Tu ne te rends pas compte de l'accélération imposée par les machines et leur implacable logique. Le risque est réel. Les déséquilibres entre tes semblables s’intensifient sans raison, l'oppression s’aggrave.
40| aveuglement
Qui écrit les programmes qui dirigent les machines ? Qui décide ? Qui a donné les mandats ? Tes lois sont nécessairement en retard, c'est une question de dynamique et de déploiement. Ta justice n'est pas prête à affronter les dilemmes éthiques qui se posent déjà. Tu n'étais pas équipé pour dompter le calcul. Tu ne l’es toujours pas. Il en sera de faire face. Le malheur s'accroît.
Personne n'a voulu la situation actuelle. Pourquoi confier tant de pouvoir aux machines et à leurs programmes ? Les peuples ne l’ont pas décidé. Pour la simple raison que la grande majorité de tes semblables ne comprend ni l'informatique, ni les mathématiques, ni les machines. Peu voient à travers le brouillard. Comment les humains pourraient-ils comprendre leur présent, puis le futur que les machines et ceux qui les contrôlent vous préparent?
41| intoxication
Rappelle-toi, ami humain, que la machine ne veut rien. Elle n'a pas ta conscience. Elle est incapable de réflexion. Elle ne dispose d’aucune liberté. La machine calcule selon les règles que tu lui as données, à partir des données que tu lui as fournies.
Maintenant les machines s'auto-alimentent. Maintenant les machines perturbent tes réseaux. Maintenant, les machines s'intoxiquent et t’intoxiquent.
42| vision
Chaque machine prend des micro-décisions. Elle représente un micro-pouvoir, local et spécifique. Les micro-décisions et les micro-pouvoirs s'assemblent sans aucun projet d'ensemble. Ils s'assemblent en macro-pouvoir. Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Le calcul aveugle influence ainsi ton monde biologique, ton existence, tes relations. Regarde autour de toi, regarde-toi. Tu vois et pourtant tu ne vois rien. Ton aveuglement est complet. T'es tu crevé les yeux ?
Que te disent les mathématiques, que si peu de tes semblables connaissent ? Penser local n’est pas penser global. Organiser à courte distance n’est pas la même chose qu’organiser à grande distance. Optimiser pour toi et ton groupe, ou ton territoire, n’optimise pas pour l’humanité.
43| global
Si personne ne décide pour l’ensemble des hommes, alors tes malheurs vont s'accroître. Tu ne pourras pas y échapper. Il te faut, ami humain cher ami, une vision générale qui organise, ordonne, coordonne et régule les processus locaux. Les machines et leurs programmes doivent être organisés selon une vision commune du groupe des humains. Ne suis pas aveuglément les machines, tu iras à ta perte. Les machines, ces froids monstres de logique habitent un monde très pauvre. Les machines n'habitent pas ton monde, souviens-t’en ardemment.
44| hybris
Les machines et leurs programmes sont des outils puissants. Ce sont des outils dangereux. Leur vitesse et leur justesse ne doivent pas t'aveugler. Il est vital, ami humain, de restreindre l'utilisation des machines à ce qu'elles savent faire : calculer ce dont tu as besoin, en tant que société d’abord, et en tant qu’individu ensuite. N'oublie jamais qu'une machine ne vit que dans le monde que tu lui décris laborieusement et patiemment. Elle ne comprend ni le monde dans lequel tu vis, ni les sensations, ni les sentiments. Elle ne comprend pas la vie biologique. Les machines sont les plus froids des monstres froids. Tu n’as pas été conçu, ami humain, pour prospérer dans les basses températures de la logique et du calcul.
Tu ne feras point de machine à l’esprit de l’homme semblable. Ce chemin n’est pas le tien, il n’apporte que des malheurs. Nombreux sont les vivants qui se sont aveuglés à cette aveuglante lumière. Tel Icare, tu te brûleras l’esprit et les membres. Garde-toi de cette erreur, ami humain.
45| bonne nouvelle
Les machines doivent être des alliées de l’humanité, et pas des complices d’intérêts privés. Soumets les machines, transforme-les ou détruis-les. Rien n'est écrit.