Âge d'or

On tentera de trouver comment faire en sorte que les machines utilisent le langage, forment des abstractions et des concepts, résolvent des types de problèmes aujourd'hui réservés aux humains et s'améliorent elles- mêmes. John McCarthy (1955)
Prix Turing 1971

De la délicate définition de l’intelligence

L'objectif premier de la recherche en intelligence artificielle est de rendre les machines plus intelligentes, quel que soit le sens donné à ce mot. Présentés dans les années 1950 comme des cerveaux électroniques, ces appareils n’ont cependant pas d’intelligence au sens biologique du terme.

Définir l'intelligence est une tâche qui occupe encore les philosophes, aucun consensus ne s'est imposé. Doit-on s’intéresser au cerveau, siège matériel de l’intelligence, ou à l’esprit ? Que faire de la conscience ? Est-elle nécessaire à la manifestation de l’intelligence ? Est-ce une conséquence ? Que faire de la relation au corps et au monde, si importante dans le cas des exemples que nous connaissons instinctivement : les bébés humains ?

L'intelligence ce n'est pas ce que l'on sait, mais ce que l'on fait quand on ne sait pas. Jean Piaget (attribuée)

Chacun a son prisme. Le scientifique cherche à comprendre ce qu’est l'intelligence. L’ingénieur cherche à rendre les machines utiles. Le commercial cherche à tirer profit de ces nouveaux outils.

Nous retiendrons la définition selon laquelle l'intelligence artificielle consiste à rendre une machine capable de comportements qui, s’ils étaient réalisés par un humain, seraient qualifiés d’intelligents. John McCarthy (1955)
Prix Turing 1971

Cet essai adopte un point de vue technologique qui embrasse le prisme du scientifique et de l'ingénieur et reprend une définition proposée par Marvin Minsky, proche de celle proposée par John McCarthy : l'intelligence artificielle cherche à rendre les machines capables d’accomplir des tâches qui, aux yeux des humains et selon un consensus implicite, nécessitent de l’intelligence.

Circonscrire l’intelligence artificielle à un domaine précis est une sorte de cauchemar. Les acteurs se sont naturellement retrouvés impliqués dans les questions fondamentales de l'informatique, telles que la programmation et l'architecture des ordinateurs, tout en affrontant des sujets théoriques en sciences cognitives. C'est un sujet de prédilection pour les auteurs de science-fiction, qui arpentent ces thématiques depuis le début du XXème siècle.

Les pères de la discipline étaient plutôt confus. John von Neumann spéculait sur les ordinateurs et le cerveau humain, en faisant des analogies si osées qu'elles rappellent celles d'un penseur médiéval. Alan Turing se demandait si les machines pouvaient penser, et comment le prouver. Nous le savons maintenant, cette question est à peu près aussi pertinente que celle de savoir si les sous-marins peuvent nager. Edsger Dijkstra (1984)
Prix Turing 1972

Dartmouth, 1956

L’école d’été de 1956 tenus à Dartmouth (USA) est un des mythes fondateurs du domaine. Une vingtaine de scientifiques ont assisté à cette école d’été, dont John McCarthy, Ray Solomonoff, Marvin Minsky, Claude Shannon, Oliver Selfridge, Herbert Simon, Allen Newell et John Nash. Cette conférence permet de lancer officiellement les travaux du domaine et d'inventer le terme d’intelligence artificielle. On parle souvent d’âge d’or pour décrire les deux décennies qui s’étendent entre l’école d’été de Dartmouth et la publication du rapport Lighthill en 1974.

Nous proposons qu'un groupe de dix personnes mène une réflexion autour de l'intelligence artificielle pendant deux mois lors de l'été 1956 à Dartmouth College (USA). Cette réflexion doit être basée sur la conjecture selon laquelle chaque aspect de l'apprentissage ou toute autre caractéristique de l'intelligence puisse, en principe, être précisément décrite pour qu'une machine puisse être conçue afin de la simuler. Nous pensons que des progrès significatifs pourront être réalisés [sur les composantes de l'intelligence] si un groupe soigneusement sélectionné de scientifiques travaillent ensemble pendant un été. John McCarthy (1955)
Prix Turing 1971

Il ne s'agissait pas d'un projet de recherche dirigé. C'était plutôt comme inviter une bande de personnes brillantes à une conférence de huit semaines, où chacun débordait d’idées. Ray J. Solomonoff (2011)

Décomposer l’intelligence humaine

Les ordinateurs sont des machines nouvelles. Le but des scientifiques et ingénieurs est de les rendre utiles ; et, pourquoi pas, pas trop idiotes. Pour manier ces concepts abstraits, voire mouvants, les chercheurs font un pari qui paraît raisonnable : modéliser cette intelligence et la diviser en un ensemble de fonctions, puis construire une brique solution pour chacune, et ensuite assembler l’ensemble de ces briques. C’est la méthode classique appelée diviser pour régner (divide & conquer). Des thématiques principales émergent : observer l’environnement en le mesurant avec des capteurs, interpréter les informations reçues, mener un raisonnement logique, établir une stratégie de résolution d’un problème, planifier l’exécution d’une stratégie, apprendre à partir des connaissances passées et de l’expérience accumulée, utiliser et comprendre le langage humain, interagir avec le monde physique et humain, etc.

Aujourd'hui, les machines résolvent les problèmes en fonction des principes que nous leur donnons. D'ici peu, nous pourrions apprendre à les faire travailler sur le problème très particulier de l'amélioration de leurs propres capacités à résoudre des problèmes. Une fois un certain seuil franchi, cela pourrait conduire à une spirale d'accélération et il pourrait être difficile de mettre au point des garde-fous fiables pour la freiner. Marvin Minksy (1968)
Prix Turing 1969

Les scientifiques se concentrent surtout sur le raisonnement logique et la modélisation de la pensée humaine. Le but est de créer une intelligence artificielle générale. Elle est illustrée par le programme HAL de 2001, l'Odyssée de l'espace (Stanley Kubrick, 1969), qui représente bien les attentes de l’époque : un ordinateur avec une intelligence surhumaine, capable de se substituer à un équipage entier. Cette approche sera appelée plus tard GOFAI, pour Good Old Fashion Artificial Intelligence, cette bonne vieille IA.

L’ambition est forte, les attentes sont énormes.
L’ambiance est à l’optimisme.

Des progrès rapides

De mon point de vue, les progrès de l'intelligence artificielle dans les années 60 et 70 ont été rapides et très impressionnants, car tous ceux que je connaissais travaillaient sur le raisonnement, la représentation symbolique et ce genre de choses. Marvin Minksy (2011)
Prix Turing 1969

Les progrès sont rapides, le champ est en défrichage. Scientifiques et ingénieurs s’attèlent à la réalisation concrète de leurs idées. Sans craindre de divulgacher la fin de l'histoire, précisons d'emblée que le but ultime du domaine, à savoir construire une intelligence artificielle générale (AGI) ne sera pas atteint. La quête du Graal de l'IA continue encore aujourd'hui.

précédent | suivant