L’intelligence artificielle est-elle un gadget pour riches américains ?
Les déclarations de
Transcription automatique
Je suis un habitué des matinales de
Il existe différents outils SaaS de transcription automatique de flux audio vers du texte (speech-to-text). J’en ai essayé quelques-uns sans être tout à fait excité par le résultat.
Je suis allé farfouiller au niveau des bibliothèques logicielles open-source. Après quelques clics, whisper s’est présentée à moi. Cette bibliothèque exploite une technologie proposée par OpenAI basée sur des algorithmes d’apprentissage automatique. Elle permet de transcrire un flux audio à partir d’un modèle local. Pile ce que cherche. Et ça fonctionne avec les modèles disponibles. Cool :-)
Un petit coup de RTFM
et une balade sur
huggingface
pour se convaincre qu’il existe des modèles optimisés, et j’ai pu lancer en
local le traitement du fichier brut du podcast. Avec le modèle medium indiqué
sur la forge logicielle, j’avais le texte qui m’intéressait en quelques minutes
(<5min). La technologie est donc mature. Il suffisait ensuite de demander à
ChatGPT
de reprendre légèrement le style pour que l’interview puisse être
lisible. Et relire en suivant le podcast pour corriger les quelques bourdes et
garder certaines expressions.
Le texte
Voici donc la transcription de la fin de
l’émission
du 19/05/2025 dans la matinale de
Journalistes
> Jean-Marc, je vous retrouve ici dans le cadre du sommet Choose France, qui débute aujourd’hui. Une table ronde sur l’intelligence artificielle est prévue, avec la participation d’Emmanuel Macron, dans la continuité du sommet de l’IA qui s’était tenu à Paris en février dernier. À cette occasion, 109 milliards d’euros d’investissements privés avaient été annoncés. Vous êtes, je crois, plutôt sceptique à l’égard de l’IA. Même plus que sceptique : vous avez parlé de « gadget pour riches américains ». Pourquoi cette position ?
Jean-Marc Jancovici
> Quand on regarde qui soutient avec autant d’enthousiasme le développement de l’IA, on voit clairement que ça vient des États-Unis, et en particulier de personnes très fortunées. Ce que je dis, c’est que, dans le fond, l’IA, c’est la version moderne du petit train électrique : des gens qui ont déjà tout - à manger, du pouvoir, du confort - et à qui il ne reste plus qu’à vouloir être immortels ou dominer le monde. Donc, ils s’y lancent.
Journalistes
> Mais ce n’est pas un peu réducteur de dire ça ? L’IA ne sert à rien ? On voit bien que, pour les petites entreprises, ça peut être utile, notamment dans la gestion, la comptabilité… Vous n’allez pas rester campé dans votre position de Gaulois réfractaire ?
Jean-Marc Jancovici
> Ce n’est pas une posture de Gaulois réfractaire. Simplement, il y a plein de domaines dans lesquels on s’est lancés, et avec le recul, on peut légitimement se demander si on a bien fait. Quand je vois 109 milliards d’euros pour l’IA, et qu’en face, l’Office National des Forêts, qui gère 10% du territoire français, ne dispose que d’un milliard par an, alors que nos forêts crèvent… Je me dis qu’on ne fixe peut-être pas les bonnes priorités.
Dans un monde aux ressources infinies, pourquoi pas ? Qu’on fasse des gadgets en plus des choses essentielles, ça peut se concevoir. Si ça nous amuse, très bien, je n’ai rien contre. Mais dans un monde aux ressources limitées, remplacer des choses essentielles par des gadgets, là, ça me dérange profondément.
Et c’est bien dans ce cadre que je me place. L’IA est aujourd’hui portée par les 5% de la population qui n’ont pas de problèmes, ceux qui ont déjà tout et qui continuent de bénéficier de la mondialisation. Pendant ce temps, on délaisse les problèmes des 90% restants.
Journalistes
> Mais c’est toujours la même question : les autres y vont, eux. Ils investissent massivement dans l’IA, aux États-Unis, en Chine, un peu partout. Et nous, on resterait là, à dire « non, ce n’est pas pour nous, on n’y va pas » ?
Jean-Marc Jancovici
> La question c’est : est-ce qu’on pense vraiment qu’on a quelque chose à gagner à singer les États-Unis ? Comme je le disais en début d’émission, on n’a plus leurs armes.
À quoi ça nous sert ?
À quoi ça nous sert ?
Journalistes
> Mais ce n’est pas une question de souveraineté numérique, justement ?
Jean-Marc Jancovici
> Singer les États-Unis, ce n’est pas du tout de la souveraineté. D’ailleurs, sur le numérique, on passe notre temps à se lamenter de n’avoir aucune souveraineté.
Journalistes
> Imaginez si, il y a 30 ans, on avait dit « non à Internet », « on n’ira pas sur Internet »…
Jean-Marc Jancovici
> Mais je n’ai jamais dit qu’il ne fallait pas y aller, à l’époque.
Journalistes
> Ce que je veux dire, c’est que l’intelligence artificielle, c’est la nouvelle révolution après Internet.
Jean-Marc Jancovici
> C’est une nouvelle révolution, oui, mais pour les élites. Encore une fois, ce sont ceux qui n’ont pas d’autres soucis dans la vie. Je pense qu’on se trompe de combat. Ou plus précisément, qu’on met beaucoup trop d’argent là-dedans. Qu’on en fasse un peu, pourquoi pas. Mais le jour où on constatera que ça permet de falsifier l’information dans tous les sens, vous serez peut-être les premiers à regretter qu’on n’ait pas fixé plus de limites dès le départ.
Journalistes
> Nous aussi, on essaie de pointer les défauts, les manquements, les risques de l’IA. Mais vous, on vous entend dire un non franc et massif, comme si c’était juste un gadget américain. C’est un peu caricatural, non ?
Jean-Marc Jancovici
> C’est une façon un peu forte d’exprimer mon point de vue. Je pense qu’on se trompe de priorité. On se précipite dans quelque chose uniquement parce qu’on peut le faire, alors qu’on laisse de côté des problèmes beaucoup plus graves, sous prétexte qu’on ne sait pas comment les traiter. Mais encore une fois, je crois sincèrement qu’on fait fausse route.
Journalistes
> Merci Jean-Marc Jancovici. Avec Léa, on avait peur de vous trouver un peu déprimé, mais vous avez l’air en grande forme.
Jean-Marc Jancovici
> Pas du tout ! Non, non, non. On est même très combatifs et déterminés. Parce qu’on pense qu’il y a vraiment quelque chose à inventer.
Note : Choose France est l’exemple typique de l’événement où la France pousse
les entreprises qui buzzent comme
À l’ordre zéro, l’IA ne résoud rien
Je suis totalement d’accord avec
Avant de vous énerver, relisez lentement la phrase au-dessus. Indice : le mot
important est principalement. Les avancées des dernières années en apprentissage
automatique concernant le deep learning sont remarquables et utiles, les
technologies LLM
sont impressionnantes etc. Certains cas d’usage ont été
bouleversés, nous en parlons souvent dans ce blog. Je précise que la majorité
des avancées techniques en mathématiques appliquées, en algorithmique et en
informatique, qu’on regroupe maintenant sous le mot valise intelligence artificielle, sont invisibles pour
le grand public. Et donc méconnues et pourtant massivement utilisées.
Les cas d’utilisation sont cependant limités. La technologie ne va pas régler
les guerres, la faim dans le monde, la pauvreté, la violence. ChatGPT
ne va
pas résoudre les défis gigantesques causés par la pollution mondiale, le
réchauffement climatique et la surconsommation des ressources terrestres. Le
paramétrage astucieux d’un modèle de langage ne va pas convaincre les humains à
se considérer comme une espèce dont la survie passe par une solidarité
nécessaire et bénéfique. Il faut rappeler ces évidences.
La pensée magique des années 2020 autour de l’innovation numérique est un délire de nantis. L’intelligence artificielle est principalement un gadget pour riches privilégiés. Dans un monde aux ressources limitées, remplacer des choses essentielles par des gadgets me dérange profondément.
À l’ordre zéro, l’IA ne sauve rien.
Ce point me paraît indiscutable.
Cracher dans la soupe ?
Non.
Mon métier me plaît. Je vis de la conception et l’implémentation de programmes dits intelligents, dont le but est d’automatiser et améliorer des processus complexes. Ces processus ont, au mieux, un impact indirect et lointain sur le bonheur de mes sœurs et frères humains.
J’ai bien conscience d’évoluer dans un monde spécial peuplé d’intellectuels et d’ingénieurs, de gens qui n’ont d’habitude pas de vrais problèmes matériels. Adopter un regard lucide, donc critique, sur mon activité me parait important, voire nécessaire si je veux garder une certaine hygiène mentale. Et sortir un peu de ma bulle d’ultra privilégiée.
Nous ne sommes toujours pas des machines. Nos textes sont pensés et écrits par des humains. Aucun texte n’est généré. Tout soutien sera le bienvenu.