On ne guérit pas du syndrome de l'imposteur, mais on apprend à faire avec

Une situation classique chez certains.

Je prends la suite du billet de Michel Lutz [LI], Data Officer de Total. A ma sauce. C'est un moment #mavie qui en fera sourire certains. Faites-en autant, camarades, vous qui essayez de vous dépatouiller de ce foutu syndrome de l'imposteur.

suis-je ingénieur ?

Quand je préparais mon diplôme d'ingénieur (1999-2002), je ne me sentais pas à ma place. Ce qui m'intéressait, c'était la physique. J'étais rentré à Centrale Lyon pour avoir un diplôme sympathique qui valorisait mes années de classe prépa. Le but était d’enchaîner ensuite sur un doctorat de physique, peut-être en turbulence fluide puisque le domaine m’intéressait. A la fin, on m'a dit que j'étais ingénieur.

suis-je physicien ?

Quand j’ai commencé à préparer mon doctorat (2005-2008) au CEA, je ne savais pas coder, je ne comprenais rien aux plasmas chauds, à la fusion magnétique ni aux mesures expérimentales sur grands instruments. Il a fallu apprendre sur le tas … et quel tas ! Je passais mes journées à me battre avec Matlab, C et Fortran, pour essayer de mettre de l’ordre dans des monceaux de données bruitées. Mon travail de physicien consistait à analyser ces données massives comme je pouvais, en essayant de faire sortir des signaux intéressants d'un océan de bruits colorés. A la fin, on m'a dit que j'étais un expert de la mesure de turbulence plasma par reflectométrie radar, et physicien.

suis-je fusioniste ?

Quand j'ai commencé mon travail de post-doctorat (2008-2011) au JET, j'ai continué à développer des programmes de traitement de données. Avec un vrai langage, Python. J’ai été CNRS puis rattaché à un labo des Pays-Bas. A la fin, je leur ai dit que l'instabilité professionnelle et leur bouffe me fatiguaient, alors j'ai quitté ce bel endroit qu’est Oxford. J'ai cherché un poste en France, et on m'a dit que j'étais trop spécialisé.

suis-je numéricien ?

Quand j'ai trouvé un poste de numéricien (2012-2014), on m'a demandé de développer des codes de simulation numérique pour la fission nucléaire. Des histoires de combustible qui faisait des trucs pas bien compris, avec un langage infect. Oui, Java, je parle de toi. Quelle horreur. Je ne faisais naturellement et honnetement pas grand chose, le travail ne m'intéressait vraiment pas. J’ai eu la bonne idée de partager mon ennui avec ma hiérarchie. Ils ont bien évidemment prolongé mon contrat, satisfaits qu’ils étaient de mon travail. On m’a ensuite dit qu’il n’y avait pas de poste fixe en vue.

suis-je data scientist ?

Quand je ai quitté (2015), je me suis lancé avec mon frère dans la prestation de services algorithmiques. De l’informatique, des maths et de la psychologie de terrain. On nous a dit que nous dit que nous étions data scientists. Puis experts en BigData, et maintenant expert en intelligence artificielle. Bien évidemment, c’est une farce : notre travail, c’est de faire parler des jeux de données, avec des mathématiques (forcément) et des programmes (forcément, aussi). On nous a dit que nous étions la disruption.

suis-je entrepreneur ?

On m'a dit ensuite que j'étais entrepreneur.
On m'a même dit que j'étais commercial.
Oui, c'est arrivé.
Tout arrive.

Mais c'était pour me vendre des trucs.
A un moment, j'ai compris.

... m'enfin boarf

Nous nous voyons comme un matheux et un physicienh qui n’ont pas trouvé leur place dans la recherche académique, ni dans la R&D privée. Eduqués à la liberté par nos parents, nous ne nous sommes jamais trop posé de questions : « quand une pièce est enfumée, quitte la ». Une mauvaise habitude. Nous ne sommes que deux gars qui aiment bien résoudre des puzzles, simplifier des trucs compliqués et apprendre. Avec un foutu serum de vérité et un goût immodéré pour l’irrévérence. C’est ainsi : on est ce qu'on est, en partie tout au moins. On nous a dit, parfois, que nous étions difficiles à suivre. Et alors ?

Je fais mienne la conclusion de mon camarade Michel. Ce qui compte, au bout du bout, c'est ce que vous faites, ce que vous êtes, ce qui vous plaît. Si vous avez la chance d'avoir le choix, profitez-en.

Et apprenez à coder, bordel.


Thomas